samedi, août 08, 1992

On était des outsiders

L'équipe de France de handball a été battue 25-22 par celle de Suède, jeudi soir 6 août, en demi-finales du tournoi olympique. Elle sera opposée, pour la médaille de bronze, samedi 8 août, à l'Islande, vaincue par l'équipe de la CEI 23-19. La finale se disputera entre le champion olympique 1988, la CEI, et le champion du monde en titre, la Suède.


Le rêve avait déjà beaucoup duré. Et puis la Suède, c'était " un gros morceau ". Chacun était donc d'accord pour reconnaître que les géants blonds étaient véritablement les plus forts. La France n'avait plus qu'à s'incliner dignement. Elle le fit avec tout de même un espoir rentré qui a eu du mal à passer. Quelques costauds ont fondu en larmes dans les vestiaires. Daniel Costantini, l'entraîneur national, a tenté de leur redonner le moral, de leur dire que tout n'était pas fini, qu'il y avait encore une médaille à conquérir et que " ce bronze était tellement inespéré en venant ici, qu'il était prêt à lui mettre une couche de doré pour que ça brille autant que celle du champion olympique. "

Il n'empêche. Les joueurs l'avaient secrètement espérée, cette victoire. Ils l'ont presque entrevue quand à une minute et demie de la fin du match, alors qu'il n'y avait qu'un point d'écart en faveur de la Suède, le but d'égalisation est venu s'écraser à quelques centimètres du cadre adverse. Après le " coup de sang " qui venait de leur permettre de combler un handicap de cinq points, la chance avait tourné. La perspective de monter sur l'une des deux plus hautes marches du podium s'évanouissait dans une fin cafouilleuse.

Il fallut bien l'admettre, la France n'était pas dans un très grand jour. Daniel Costantini était le premier à en convenir : " La sauce n'a jamais pris. " Et après cinq matches la fatigue commençait à se faire sentir. Du coup, les Suédois ont eu l'avantage au score pendant pratiquement toute la partie. Ils ont laissé les Français venir se casser le nez sur une défense solide exploitant immédiatement la moindre faute. Fautes trop nombreuses en raison d'une tactique risquée.

La prime d'arbitrage

Pourtant les hommes de Bengt Johansson sont loin d'avoir convaincu au cours de cette partie rugueuse, intense, heurtée. L'entraîneur suédois n'a pas hésité à le reconnaître. Il n'était pas satisfait de leur prestation, pas du tout " excitante ", pas assez technique à son goût. Celui qui, depuis 1988, a façonné ces champions du monde a rédigé un ouvrage technique de trente pages sur le handball dont son équipe a seulement " utilisé une seule page ".

Philosophe, Daniel Costantini estimait qu'" il nous manquait encore de sortir grandi d'une défaite ". L'enjeu était d'importance pour l'avenir. " Je ne dirai pas que les arbitres ont été malhonnêtes. Ils ont été très sévères avec le petit poucet que nous sommes, a tenu à faire savoir l'entraîneur. Et si les arbitres font leur travail, c'est toujours avec cette forme d'honnêteté qui sied à la Fédération internationale. " Pour Daniel Costantini, l'équipe de France a joué les trouble-fêtes dans le concert des grands du handball mondial. Cela n'arrangerait pas tellement les affaires de la Fédération internationale qui préfère les valeurs établies. Lors d'un match comme France-Suède, les juges ont ainsi tendance à donner l'avantage à l'équipe présumée la plus forte.

D'après l'artisan du renouveau du jeu français, " les Suédois n'ont pas toujours été sanctionnés comme, ils auraient dû l'être ". Une prime au favori en quelque sorte. Mauvais perdants, les Français ? Pas vraiment. Gros bras de l'équipe nationale, Denis Lathoud eut ce cri du cœur : " On était des outsiders. Ils ont prouvé qu'ils étaient meilleurs que nous, alors je dis bravo et bonne chance ! "

Bole Richard Michel. - Le Monde, édition du 8 août 1992