lundi, janvier 31, 2000

Jackson Richardson : On est une bande de potes



Dernier des Barjots encore en équipe de France, le capitaine des Bleus revient sur le championnat d’Europe en Croatie et parle du nouveau groupe qui s’est révélé.

Comment expliquez-vous le parcours inattendu de l’équipe de France ?

Jackson Richardson. L’annonce de toutes les absences nous a donné une motivation particulière. Cela nous a soudés. Ensuite, l’envie et la hargne nous ont permis de nous trouver dès le premier match. Chacun étant complet à son poste, on prend des risques qui parfois nous réussissent...

En portant le brassard de capitaine, aviez-vous un rôle particulier à jouer ?

Jackson Richardson. Je ne sais pas si c’est un plus. Un brassard pour moi n’apporte rien de particulier, c’est juste un symbole. Je ne me sens pas plus un meneur d’hommes parce que j’ai un bandeau autour du bras. Au contraire, j’essaie de me fondre dans le collectif.

Mais en tant que dernier de l’épopée des Barjots, n’y a-t-il pas un message à faire passer ?

Jackson Richardson. J’essaie de les motiver. Je cherche à leur faire partager mon expérience, mon vécu. Sans m’en rendre compte, je donne peut-être envie à cette nouvelle génération de créer quelque chose, afin qu’ils puissent, eux aussi, vivre une aventure comme celle des Barjots. Mais ils doivent prendre conscience avant tout que jouer, c’est se faire plaisir. C’est la condition pour avoir des résultats. En revanche, si je suis le dernier des Barjots, je ne suis pas pour autant le plus vieux. Je n’ai que trente ans, alors que l’un de nos gardiens de but, Christian Gaudin, a, lui, trente-trois ans !

Le fait d’être déjà qualifié pour les jeux Olympiques avant même de participer à l’Euro vous a-t-il permis de jouer sans réelle pression ?

Jackson Richardson. En participant à ce championnat d’Europe, notre objectif était de retrouver des sensations et de former un nouveau groupe qui ait envie de vivre une aventure ensemble. Tout s’est très bien passé dès notre arrivée en Croatie, parce que tout le monde s’est donné à fond dans tous les compartiments du jeu. Et puis, il y a eu une grande solidarité...

Cela vous rappelle-t-il les Barjots ?

Jackson Richardson. Certes. Mais c’est encore un autre domaine. Je pense que la réussite facilite beaucoup de choses tant sur le plan humain que tactique. Par exemple, je suis sûr que le niveau de jeu a facilité les choix de Costantini [l’entraîneur - NDLR] . Actuellement, je ne peux pas dire si c’est semblable à ce que j’ai vécu avec les Barjots. On était arrivés au sommet et, là, cette équipe est encore au bas de l’échelle comparée à eux. Je ferai des comparaisons le jour où ce nouveau groupe aura écrit quelque chose, le jour où il aura un passé.

Pourquoi, jusqu’à présent, l’Euro n’avait-il jamais réussi à l’équipe de France ?

Jackson Richardson. Depuis quelques années, on abordait le championnat d’Europe sans objectif réel. Et comme, depuis 1998, on était en difficulté, il n’y avait pas de véritable osmose au sein de cette équipe. Cette fois-ci, comme on était vraiment en train de se chercher, l’Euro a été pour une fois un déclic. On est devenus une bande d’amis qui a envie d’évoluer ensemble.

La défense est apparemment le point fort de cette équipe, pourquoi ?

Jackson Richardson. Didier Dinart a pris conscience que c’est lui le maître de la défense. Comme je le lui ai toujours dit, il faut qu’il soit le patron. À la limite, il faudrait presque qu’il nous engueule sur le terrain. C’est ce qui lui manquait jusqu’à présent, car, malgré sa carrure, il était trop tendre. Maintenant, il y a des moments où je ne préfère pas lui parler : j’ai peur de prendre un pain...

Y a-t-il eu un " effet " mondial féminin ?

Jackson Richardson. Le résultat des filles a fait monter un peu l’adrénaline des garçons. Personnellement, c’est la première fois que je les voyais réellement évoluer et cela m’a donné envie d’en faire autant. Je pense que ceux qui sont en équipe de France et qui n’ont pas connu ces moments-là ont été motivés deux fois plus. Ils se sont dit : " Si elles y arrivent, pourquoi pas nous ? ".

Que pensez-vous du handball féminin ?

Jackson Richardson. Je suis très satisfait de voir les filles atteindre ce niveau international. Pendant longtemps, l’équipe de France masculine leur a fait de l’ombre et, là, elles prouvent qu’elles sont en pleine évolution. J’ai pris du plaisir à les regarder. D’ailleurs, je leur ai envoyé un télégramme de félicitations quelques heures avant leur finale en Norvège. Dans l’équipe, je connais bien les Réunionnaises et je pense que ce serait enrichissant à partir d’aujourd’hui d’avoir plus d’échange avec ce groupe. Déjà, nous allons partir ensemble à Sydney, c’est un début. J’aurais aimé faire la préparation avec elles ! [La préparation olympique] féminine a lieu à la Réunion, d’où Richardson est originaire - NDLR.]

Entretien réalisé par Nicolas Guillermin

Article paru dans l'Humanité édition du 31 janvier 2000.

samedi, janvier 29, 2000

Costantini et le départ de Stoecklin

Quelle est l’ambiance au sein de l’équipe ?

Daniel Costantini. Elle est très bonne. Les quinze garçons sont très respectueux les uns envers les autres. Il n’y a pas de clan, même s’il y a cinq joueurs de Montpellier, des mini-groupes naturels comme les trois Réunionnais et des générations qui se retrouvent. C’est un melting-pot à la fois ethnique, psychologique et culturel très intéressant. En plus, ils ont du respect, de l’amitié et de l’indulgence quand cela ne va pas, ce qui n’a pas toujours été le cas...

Comme lors du Mondial égyptien de juin dernier par exemple...

Daniel Costantini. La presse a prêté trop d’attention à Stéphane Stoecklin. Lorsqu’il n’était pas satisfait des résultats, il cherchait des boucs émissaires, qui étaient systématiquement les jeunes. C’était un garçon qui faisait encore parti du présent mais qui était nostalgique du passé. C’est pour cela que son départ, même s’il a été un mal en soi pour l’équipe - car on a perdu un grand joueur - a été bon pour l’ambiance et l’état d’esprit général. D’abord, ceux qui le remplacent comme Patrick Cazal peuvent s’exprimer, (c’est actuellement le meilleur buteur, abstraction faite des penaltys), ce qui n’est jamais arrivé à Stoecklin ou Volle, et puis surtout il peut s’exprimer sans arrière-pensées.

L’équipe qui est en train de naître vous rappelle-t-elle les Barjots ?

Daniel Costantini. Plutôt les Bronzés de Barcelone, avant qu’ils ne le deviennent. On est ici un peu dans la même situation qu’en Espagne. On était les derniers qualifiés pour les JO et j’avais pronostiqué une sixième ou septième place dans le meilleur des cas. La seule différence : les joueurs s’étaient préparés plus longtemps. Sinon, je retrouve la même audace.